Avril 23
Les eurodéputés votent à nouveau contre la loi Hadopi, Albanel s'accroche

Les eurodéputés ont maintenu, malgré de fortes pressions françaises, un amendement qui pourrait interdire à la France d'appliquer sa loi antipiratage. De son côté, Christine Albanel espère toujours l'adoption définitive du texte Création et Internet avant fin mai.

Le soulagement est lisible sur les sites Web des opposants au projet de loi antipiratage. Le Parlement européen, qui examine actuellement le "Paquet télécom", un ensemble de directives destinées à régir les télécommunications dans l'Union européenne, n'a pas cédé. Mardi soir, les eurodéputés réunis en commission ont maintenu, à la quasi-unanimité (44 pour, 4 contre et 2 abstentions) et malgré les fortes pressions du gouvernement français, l'amendement 46. Celui-ci stipule : "Aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs [des télécoms, NDLR], sans une décision préalable des autorités judiciaires." Il avait déjà été voté à la quasi-unanimité en première lecture (573 voix pour, 74 contre).

La loi antipiratage (ou Hadopi), défendue en France par la ministre de la Culture, Christine Albanel, prévoit la suspension de l'accès à Internet des pirates rédicivistes, par le biais d'une haute autorité administrative, et non judiciaire. Le texte français, toujours en processus d'adoption, pourrait donc être incompatible avec la législation européenne avant même son entrée en vigueur.

Un signal fort, à six semaines des élections

Les eurodéputés considèrent que la connexion à Internet est aujourd'hui (et, a fortiori, demain) incontournable pour l'accès à certaines libertés fondamentales telles que la liberté d'expression et d'information. Ils refusent que l'exécutif puisse, seul, décider de suspendre l'accès, par exemple pour sanctionner le téléchargement illégal, comme la loi Hadopi le prévoit en France. L'amendement 46 prévoit que le pouvoir judiciaire sera automatiquement impliqué dans toute décision de coupure. À six semaines des élections européennes, le Parlement européen a montré qu'il pouvait résister aux pressions nationales et apporter une dimension supplémentaire au débat démocratique. Il doit toutefois confirmer sa position lors de prochains votes.

Une "position courageuse"

Le gouvernement français s'est démené, via le Conseil de l'Union européenne, afin de vider l'amendement 46 de son sens. Entre Catherine Trautmann, eurodéputée socialiste, et les représentants français, le combat politique a été rude. L'amendement, destiné à être intégré dans un article, a même failli se transformer en "considérant", un texte non contraignant, ce qui l'aurait rendu inoffensif. Grâce à de nombreux soutiens, dont celui de Daniel Cohn-Bendit, l'ancienne ministre de la Culture n'a pas cédé aux pressions hexagonales. "Tous les groupes m'ont soutenue", explique Catherine Trautmann, jointe ce matin par lepoint.fr. Elle rappelle que le Parlement européen "a tout fait pour trouver un accord avec le Conseil de l'UE (qui réunit les représentants des gouvernements nationaux, NDLR)". "Internet n'est pas une liberté fondamentale", reconnaît l'eurodéputée, l'une des rapporteurs du Paquet télécom, mais c'est "un support indispensable à l'exercice des libertés fondamentales".

"L'accès à Internet est un droit fondamental", pour l'eurodéputé Vert Daniel Cohn-Bendit, moins modéré, qui estime : "Il ne faut pas se laisser avoir par le chantage de la France qui dit que tout le paquet sautera si on ne cède pas au caprice du prince." Selon Guy Bono , eurodéputé socialiste et coauteur de l'amendement voté en première lecture, qui a inspiré celui de Catherine Trautmann, "si le gouvernement français veut un accord sur le Paquet télécom, il doit renoncer au nom de l'intérêt général européen aux dispositions liberticides du projet de loi Hadopi".

Selon la Quadrature du Net, un collectif français opposé à la loi Hadopi, "les citoyens européens se souviendront de cette position courageuse". Le vote est "une gifle de plus contre la loi de Nicolas Sarkozy", et "personne, en Europe, ne souhaite que soit adoptée une telle législation allant à rebours du progrès, des droits des citoyens et du bon sens", selon le collectif, dont les méthodes d'action ne sont toutefois pas toujours très claires .

Hadopi, le retour

Interrogée par l'AFP, Christine Albanel a déclaré que cet amendement n'empêcherait pas la France d'adopter son projet de loi "car la suspension de l'accès internet à domicile après de multiples avertissements n'est pas une atteinte aux droits et libertés fondamentaux". "Politiquement, cet amendement est une machine de guerre politique poussée par quelques députés socialistes français" au Parlement européen, a-t-elle ajouté.

Comme le gouvernement l'a annoncé dès les minutes suivant le rejet-surprise de la loi Création et Internet par l'Assemblée le 9 avril, il va présenter à nouveau le texte à la rentrée parlementaire. C'est donc le 29 avril que commencera le second examen de la loi très controversée, destinée à lutter contre le piratage sur Internet. Celle-ci prévoit la mise en place d'une haute autorité administrative (l'Hadopi) chargée de sanctionner les pirates récidivistes, en allant jusqu'à suspendre leur connexion à Internet pour une période d'un mois à un an.

Le gouvernement a réussi à trouver une place dans le calendrier parlementaire pour insérer des débats qui s'annoncent longs et houleux. Il n'a pas réussi à obtenir du Parti socialiste qu'il rende la journée du 29 avril, qui restera consacrée aux propositions de loi socialistes, d'après le blog de Lionel Tardy , député UMP de Haute-Savoie, opposé au projet de loi.


Source : lepoint.fr

Posté par Fredo

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